CONTEXTE

L’épice safran provient d’un crocus, le Crocus sativus L. (crocus cultivé) famille des iridacées. Plante stérile, sa multiplication se fait uniquement par caïeux et grâce à l’intervention humaine par division des « touffes » de cormus.

Les archives confirment une culture importante en Midi-Pyrénées du XIVème à la révolution. Elles nous apprennent qu’il fut l’un des meilleurs d’Europe. Les épices sont très appréciées au moyen-âge, les ouvrages culinaires de l’époque nous indiquent la présence du safran dans 25% des recettes. Le Quercy, l’Albigeois et le Rouergue produisent en 1560 jusqu’à 60% de la production nationale évaluée à plusieurs dizaines de tonnes. Des foires au safran ont lieu dans la région. On exporte vers Lyon pour teindre la soie, vers Marseille, la Rochelle et vers l’Europe du nord. La fin de la mode des épices avant la révolution condamne la production française.

Depuis la fin du XVIII siècle, période à laquelle cette production commerciale s’est arrêtée en Quercy, le safran subsiste dans les jardins familiaux. Ces enclos de pierres sèches en ont conservé la semence, jusqu’à aujourd’hui, grâce aux traditions culinaires et à une gastronomie locale riche en plats au safran. A la fin du XX siècle peu de jardins en ont conservé. Cette tradition perpétuée à permis avant l’extinction totale de recommencer depuis une ou deux décennies la multiplication des bulbes d’origines dans la région de Cajarc. C’est la seule région française à avoir conservé ainsi pendant plus d’un millénaire des souches de Crocus sativus sélectionnés depuis l’origine de son implantation. L’ancrage historique et culturel de ce produit noble en Quercy était en sommeil dans la mémoire collective.

En 1997 l’association Avenir et sauvegarde du patrimoine des environs de Cajarc a initié dans le Lot la redécouverte et la relance de la production. En Mai 2001 elle crée le Safranério fonfant le projet de créer des sites protégés de conservation des bulbes inventoriés localement pour éviter leur disparition.

OBJECTIFS

L’objectif principal du safranério est la conservation et la multiplication de cormus de safran issus des cultures traditionnelles locales sur des sites isolés et identifiés ; donc de permettre la réintroduction de la culture à partir de plants sélectionnés en Quercy depuis au moins le XV siècle. Un travail unique en France à cette échelle qui permet de préserver la biodiversité du safran et de l’espèce.

La seule solution pour la production du safran est la multiplication des bulbes, car le crocus sativus ne fait pas de graines, la multiplication se réalise uniquement par les caïeux ce qui rend la plante fragile. Une contamination virale ou une maladie peuvent mettre en péril toute une lignée. Les producteurs de safran ont appris depuis l’antiquité à sélectionner les bulbes pour la multiplication et la production de l’épice.

Le conservatoire est ouvert aux producteurs amateurs et professionnels. En 2008 Le Safranério a dépassé le million de bulbes multipliés de souche locale inscrit sur plus de 50 sites en Quercy, Rouergue et l’Albigeois. L’abandon de cette culture pendant l’ère industrielle et l’absence de reconnaissance des souches sélectionnés pourraient entraîner la disparition de ce capital végétal méconnu. L’inscription au conservatoire permet une traçabilité de sa plantation après en avoir prouvé l’origine pour garantir la filiation des bulbes. La culture du safran s’est perdue pour être restée trop longtemps confidentielle, l’initiative prise dans le cadre du Safranério est aussi de reconstruire le tissu social qui assurera sa défense en le promouvant. L’approche se doit d’éviter les dérives de surmédiatisation ou de privatisation.

METHODE

L’ analyses ADN et génétiques, l’expérimentation sur la culture de bulbes de souche Quercy et de différentes origines, la mesures des performances et l’adaptation des bulbes a un biotope donné ont permis d’appréhender les spécificités du safran de souche Quercy.
Le safran se multiplie par la partie souterraine d’une manière végétative. Les caïeux qui représentent un clonage du bulbe d’origine sont porteurs du patrimoine génétique donc de tous les avantages mais aussi de toutes les maladies ou virus qui seront transportés par la lignée. Le manque de traçabilité des bulbes de safran du commerce en général et le manque d’indication de l’origine réelle des bulbes favorisent les mélanges et rendent difficiles expérimentation et multiplication des meilleures souches ou sous-type éventuels.

RESULTATS et OBSERVATIONS

La survie des souches Quercynoises pendant des siècles, après l’abandon des cultures, est probablement lié à leur évolution (adaptation) et au contexte environnemental Quercynois ( conditions climatiques, pédologiques et biologiques) mais également à leur potentiel génétique de base . L’expérimentation depuis 1997 de cultures avec des plants d’origines multiples a montré, sur plusieurs années, un comportement avantageux pour les plants de souche Quercynoise (floraison, multiplication, état sanitaire) pendant que d’autres souches disparaissaient progressivement (dégénérescence, maladies, virus…).
Aujourd’hui, les bulbes de souche Quercy se multiplient dans toute la France et même au delà avec un comportement aussi favorable que dans le Quercy démontrant sa rusticité et sa capacité d’adaptation à différents environnements.

Certaines analyses génétiques réalisées pour le conservatoire ont fait apparaître des différences à confirmer. Le manque de traçabilité sur l’origine des cormus du commerce et la demande d’IGP safran du Quercy à partir de souches disparates peuvent entraîner des mélanges et la disparition des clones conservés.

Croisement et dérives des souches : le crocus sativus est-il aussi fixé que prétendu ?

Après 6 ans de culture expérimentale (C.Agrech), obtention en 2006 d’une nouvelle souche de type Crocus sativus L (fleurs violettes à stigmates longs et pendants) à partir de Crocus cartwrightianus albus (fleurs blanches à stigmates courts) et Crocus sativus L « Quercy », floraison renouvelée en octobre 2007.

En 2006, fécondation (JC Chartrou) de Crocus sativus par du pollen de Crocus cartwrightianus albus et obtention de graines.

Le conservatoire poursuit, en conformité avec les principes de précaution et de conservation de la biodiversité, la conservation et la multiplication des souches de Crocus sativus d’origine Quercy. Il construit un réseau de sites de conservation publics et privés « in situ » des bulbes du pays, en cultures tracées et isolées des autres bulbes d’origines ou de souches différentes. Partage d’expériences et réseaux d’échanges, expérimentations, publications, manifestations, conférences, formations.